Pâques on a pas que ça à faire, débutons cet article promptement : The Theory of Everything (ou une Merveilleuse histoire du Temps sous nos latitudes, dont je pourrais disserter sur la pertinence d'un tel titre au détriment de la traduction littérale de celui original, maaaaaaais nous n'avons pas de temps (!) à perdre, donc :) est un film classique de par sa construction, sa photographie, son thème, son "rôle-à-Oscar"; un film un tantinet long et aux seconds rôles plutôt bâclés dans l'ensemble (si on enlève celui de Jonathan incarné par Charlie Cox), bref un film qui ne révolutionne absolument pas le genre du biopic, et pourtant...
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| Une affiche kitchissime qui ne fait pas honneur au film... |
Et pourtant, bien que je n'en attendais pas plus que ce qu'il avait à offrir (une oeuvre classique mais néanmoins agréable), je me suis retrouvée toute chamboulée à l'intérieur du dedans, la faute à trop d'émotions (et non à un retour de bâton lié à un gavage intensif de chocolats en cette période "festive").
Comme le laissent penser sa bande-annonce et le fait que le film soit adapté d'un livre publié par l'ex-femme de Stephen Hawking, Jane Wilde, The Theory of Everything est une oeuvre qui traite de l'homme derrière le scientifique (ô, c'est beau) : on suit en effet Stephen Hawking lors de sa rencontre avec Jane Wilde, qui deviendra sa première femme, et avec laquelle il aura trois enfants. On le rencontre lors des prémices de sa maladie, en 1963, à l'époque où il étudie à Cambridge.
Pitch (oh mon pitch) qui pouvait a priori susciter quelques craintes en raison du caractère périlleux de l'exercice (dresser un portrait complètement romancé d'une personne qui plus est toujours en vie, tomber dans l'abîme d'une romance ne laissant pas de place au travail à travers lequel Hawking a été reconnu, et que sais-je encore (qui a dit "pas grand chose" ? Qu'il se dénonce !)).
Nonobstant tous les points que j'ai soulevé dès le premier paragraphe, annonçant ainsi la couleur pour mieux vous bluffer ensuite (je n'ai pas joué au poker, mais au bridge, c'est quasiment pareil, il y du suspens et tout, et tout), le film doit sa réussite à la retenue dont il fait preuve et dans le traitement des situations et dans celui des personnages.
Ce qui est particulièrement étonnant, c'est la métamorphose physique d'Eddie Redmayne (que j'ai découvert dans Like Minds il y a quelques années, une oeuvre assez troublante, mais néanmoins bien faite) au fur et à mesure que l'étudiant un brin rêveur (un peu trop, peut-être, pour un Doctorant) laisse place au scientifique de renom dont la maladie autant que la carrière en font une personne que l'on identifie de suite.
Compte tenu de sa performance (la gestuelle, le mimétisme, réussir à transcrire la souffrance contenue d'un simple regard), l'Oscar était bien entendu mérité pour Eddie Redmayne, encore que Felicity Jones (incarnant Jane Wilde) n'a pas démérité non plus. Je dirais même qu'elle m'a bien plus bluffée, car l'évolution de son personnage, si elle est moins notable sur le plan physique, est toute aussi forte. On la voit, la vingtaine énamourée, forte, digne et révoltée par ce qui arrive à Stephen Hawkins. On l'observe en mère de famille, qui tient la maison seule, au détriment de ses aspirations professionnelles, on la voit femme en mal de normalité, qui s'attache au professeur de musique devenu ami de la famille. Là encore, par un jeu d'acteur savamment dosé, Felicity Jones réussit à faire passer une multitude d'émotions au spectateur, qui ne peut que ressentir de l'empathie face à ce qui lui est montré.
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| Et un montage crado, un ! |
Finalement, dans The Theory of Everything, ce n'est pas tant le handicap de Hawking ayant pour origine sa maladie (syndrôme de Charcot) qui est le sujet central, mais la déliquescence de l'entité du couple face à la maladie d'une part, et face au temps qui passe, avec cette inéluctable conclusion, un aveu : "I have loved you. I did my best" ("je t'ai aimé. J'ai fait de mon mieux" pour les moins anglophones). Le sujet est universel, il a fait pleurer des rivières à de multitudes d'êtres dont je fais partie, et il est ici porté brillamment à l'écran par The Theory of Everything.
Avec pudeur, James Marsh et l'ensemble des acteurs au premier plan (Felicity Jones, Eddie Redmayne et Charlie Cox) nous offre le portrait d'une vie de couple.
Le fait de filmer façon super 8 de l'époque, le choix des costumes qui présentent les différentes décennies traversées par le couple depuis sa rencontre en 1963 à sa séparation et à la sortie du livre "Une brève histoire du temps" (dont je vous recommande la lecture), tout cela permet de s'immerger dans l'intimité du couple, puis des triangles amoureux, et de nous rapprocher des "personnages".
En parlant de filmer, la gestion de la caméra est également l'une des autres réussites du film : James Marsh réussit à montrer, sans trop en faire, ici le point de vue de Stephen Hawking observant son entourage et leur aisance à être, en raison de leur absence de handicap, là, à l'observateur que nous sommes, un geste qui trahit la progression de la maladie, ici encore, l'isolement de Jane Wilde. Encore une fois, un voile de pudeur couvre le film, qui ne fait pas dans le sensationnel mais dans l'intime.
Mais le véritable tour de force du film est, pour moi, sa scène finale. Celle-ci, accompagnée du superbe morceau The arrival of the birds (Cinematic Orchestra) donne une nouvelle dimension à l'ensemble du film. Par prolongement, on peut se refaire mentalement la même scène sur nos propres vies, et l'effet serait tout aussi bluffant (alors même qu'on est trois fois plus moyens que la moitié du scientifique qu'est Hawking).
En réalité, cette scène, au-delà de son caractère bouleversant, remet toutes les choses en perspective et offre une superbe conclusion à The Theory of Everything, puisque partant d'une vie, elle illustre aussi à échelle humaine ce sous-tend les thèses de Hawking et de nombreux scientifiques à savoir remonter dans le Temps afin de comprendre quelles sont les origines de l'Univers. Finalement, la question du "Grand Tout", c'est un peu celle qui traverse nos destins individuels, peu importe nos croyances.
Il y aurait vraiment beaucoup à dire sur la part d'humanité dont recèle The Theory of Everything, mais je pense que le plus simple serait encore que vous preniez le temps de voir ce film et de pleurer un bon coup devant sa beauté (et pas la peine de jouer les gros bras avec moi, ça n'prend pas !).
Petit bonus personnel : la musique (superbe) est signée Johan Johannsson, compositeur islandais auquel on doit quelques petites perles, comme son magnifique album Fordlandia que je vous invite à découvrir.
Alors, The Theory of Everything ?



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